de Philippe Regenstreif » Dim Aoû 07, 2005 22:09 06
Mon excellent complice et néanmoins ami Chassepot étant manifestement en vacances, je me permet d'intervenir. Cette 6,5 DAUDETEAU a fait couler beaucoup d'encre. D'abord, ni elle ni les fusils et carabines du même nom en calibre 6,5 n'ont jamais été réglementaires en France, comme on peut le lire, surtout dans la littérature américaine, très souvent, hélas, nulle à ch..(gros mot).
Il n'y a pas eu le moindre essai dans la troupe au Tonkin, autre légende, ni intérêt quelconque de la Marine à son sujet, et elle n'a jamais été mise en concurrence avec le Lebel sous aucune forme. La seule relation entre DAUDETEAU (arme) et LEBEL (arme) est la baïonnette, une Rosalie lègèrement modifiée au niveau de la poignée (attention aux drouilles!)
J'ai eu le plaisir de bien connaître il y a une trentaine d'années Gérard d'Audeteau, le petit-fils de Louis d'Audeteau (orthographe exacte), hélas décédé depuis, et nous avions passé des soirées passionnantes à fouiller dans ce qui restait de ses archives.
Des armes DAUDETEAU en 6,5 N°12 ont été utilisées au Salvador, de manière brève, et vite remplacées par des MAUSER en 7x57. De même, on connait les fusils MAUSER M.1871 recanonnés à St Denis par la SFAP, armes destinées à l'Uruguay et dénommés MAUSER-DOVITIS, ou DOVITIS tout court, du nom du responsable d'une opération qui se solda par un fiasco total.
Louis d'Audeteau tenta de placer son arme en Roumanie(d'où la fabrication de quelques lots de cartouches, telle celle dont vous parler, par la société KELLER & Cie, à Vienne). On lui préféra le Mannlicher M.1893, également en 6,5 mm pourl'équipement de l'armée roumaine.
En désespoir de cause, le stock de fusils et de carabines restant à la SFAP fut soldé à la Manufacture d'Armes et Cycles de St Etienne, au début du XXe siècle, d'où leur présence sur les catalogues "Manu" de cette époque
où uniquement pour la pub, on prétendait que cette arme avait été en service dans la Marine!
Chez Manufrance, cela donna naissance à la carabine de chasse africaine RIVAL, en calibre 8 mm RIVAL, une Daudeteau élargie à 8 mm avec une balle genre balle de Lebel 1886M.
On trouve peu facilement il est vrai, des 6,5 mm Daudeteau de fabrication SFM, avec la marque de cette société et deux empreintes en "o" à 9h et 3h, une sous variante ayant pour une raison inconnue, des "o" avec une croix inscrite à l'intérieur, comme un symbole NATO...Comme dit plus tôt, les cartouches avec votre marquage proviennent de chez KELLER & Cie, en Autriche.
Pour les divers chargements, il en existe à balle ordinaire, comme la vôtre, en "fausse-cartouche" avec une tige de bois intérieure teinte en rouge et la morphologie d'une cartouche normale. On trouve aussi des soi-disant fausses-cartouches entièrement chromées, qui sont de pures bidouilles fabriquées en 1967 par l'antiquaire Alain Serpette, lequel "fonctionnait" à l'époque aux puces de StOuen..Devant lademande et l'ignorance des amateurs, il s'était mis à faire chromer tout ce qui lui tombait sous la main!!!.
Un modèle à blanc avec fausse balle en feuillard close en croix et aux dimensions de la cartouche ordinaire existe dans les tracés de la SFM. Je n'en ai jamais vu et ignore si même on en a fabriqué.
De plus,lors de la liquidation de cette société en 1991, de nombreux étuis vides amorcés trouvés sur place ont été remontés avec des projectiles civils ou dits de tir réduit, trouvés eux -aussi dans les stocks, et ce en suivant les indications existantes de tracés correspondants. Ces munitions se sont vendues très cher mais ne sont,pour les amateurs, que des remontages, d'ailleurs jamais chargés.
Il faut dire que ces variantes de la munition normale, si elles sont authentiques, sont très recherchées et se vendent à des prix coquets chez les amateurs avertis...
Le fusil DAUDETEAU (A ou B) était une arme excellente et sa munition, quoique sem-rim, possédait de fort bonnes qualités balistiques, dont une rasance remarquable, supérieures à celle de la cartouche Lebel, du moins avant l'introduction de la balle D (Desaleux). Un défaut notoire était pourtant l'emploi d'un clip chargeur non-introduit, à l'invraisembleble dessin "style nouille", dont il fallait peindre en rouge le coin du côté supérieur pour le placer dans l'arme sans se tromper!
Je m'arrête car c'est un livre que l'on pourrait écrire sur le sujet. Louis d'Audeteau, inventeur prolifique, déposa de nombreux brevets, dessina et fit construire (ou fabriqua lui-même en buis noirci!)de nombreux prototypes d'armes. Il décéda en 1928, Chef de Bataillon honoraire. Quant à ses cartouches, il en existe, numérotées ou non, environ 14 calibres différents...Inutile de dire que si vous en trouvez une autre que cette N°12, votre fortune est faite!!!
Bien cordialement.
PR
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